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Max et Moritz

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Max et Moritz, des garnements de 150 ans
 
Ils figurent dans le disque dur de l’imaginaire collectif allemand : Max und Moritz , deux garnements créés en 1865 par l’illustrateur Wilhelm Busch (1832-1908) annoncent les débuts de la bande dessinée.
 
Et s’invitent au musée Ungerer de Strasbourg qui expose, pour la première fois en France, les dessins originaux venus de Hanovre.
 
Jusqu’au 10 janvier au musée Ungerer, 2 avenue de la Marseillaise.
Tous les jours, sauf mardi, de 10 h à 18 h.
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« Ah que les méchants enfants nous causent donc du tourment ! En voici deux, et des pires : Max et Moritz pour tout dire. » Ainsi débutent, ici dans une traduction de François Cavanna, les aventures de Max et Moritz qui, en Allemagne, confinent au trésor national. « Le livre a été un véritable best-seller qui s’est transmis de génération en génération, sur plus d’un siècle, au fil des rééditions », commente Thérèse Willer, conservatrice au musée Tomi Ungerer.
 
C’est tellement vrai que le visiteur de l’exposition que Strasbourg consacre à Wilhelm Busch y découvrira l’exemplaire de Max und Moritz du propre grand-père de Tomi. Ce dernier le remit à son fils, avant qu’il ne fasse le bonheur du jeune Tomi. Au point qu’aujourd’hui encore, le dessinateur strasbourgeois peut citer de mémoire plusieurs des vers écrits par Busch qui accompagnent chacun des mauvais coups des deux galopins.
  
Outre-Rhin, un précieux patrimoine culturel
Mais l’intérêt premier de l’exposition ne réside évidemment pas dans la présentation de cet incunable de la nostalgie « ungererienne ». Le véritable exploit, c’est d’avoir obtenu du Wilhelm Busch-Museum de Hanovre la cinquantaine de dessins originaux de Max und Moritz. Un corpus auquel s’ajoute de nombreuses autres planches nées de la main de Wilhelm Busch. Par exemple Katze und Maus , qui préfigure, par l’esprit endiablé, les célèbres T om et Jerry , ou encore la relecture de Hänsel und Gretel que Busch corse en ajoutant un ogre au scénario des frères Grimm, qui se limitait à la seule sorcière.
« Jamais encore les originaux de Max und Moritz n’avaient été exposés en France. En Allemagne, on les considère comme un patrimoine culturel bien trop précieux pour quitter le pays », explique Thérèse Willer.
 
Les raisons d’une telle générosité à l’égard de l’établissement strasbourgeois ? « Nous leur avions confié, l’an passé, des œuvres qui ne sortent quasiment jamais de nos collections. Une confiance mutuelle est née de cet échange et notre projet d’hommage rendu à Wilhelm Busch à l’occasion du 150e anniversaire de Max und Moritz leur a semblé intéressant. »
 
Mais la bonne volonté du musée de Hanovre a des limites. Compte tenu de la fragilité de ces dessins, réalisés au crayon et rehaussés à l’aquarelle, ils ne seront exposés que jusqu’à fin novembre, pour être ensuite remplacés par des fac-similés. La mesure ne porte cependant que sur ceux de Max und Moritz , les autres originaux tenant l’affiche jusqu’à la fin de l’exposition, en janvier prochain.
 
On y voit comment procédait Busch. Le texte, des vers de mirliton supposés imprégner facilement l’esprit des enfants, s’y déploie sur une feuille où sont réservés des espaces vierges : c’est là que l’illustrateur collait ses dessins, de dimensions variables. Le résultat s’apparente à une planche de bande dessinée, genre dans lequel certains voient en Wilhelm Bush l’un des grands précurseurs.
Pour quelles raisons Max und Moritz vont-ils connaître une telle fortune éditoriale, traverser le temps et se graver dans le disque dur de la mémoire collective allemande ? « Parce que l’articulation entre le texte et le dessin, d’une exceptionnelle fraîcheur, fonctionne particulièrement bien », observe Thérèse Willer.
 
On y voit aussi apparaître un modèle promis à un bel avenir : celui des enfants farceurs dont s’inspire le plus directement la célèbre série des Katzenjammer Kids de l’Américain (mais Allemand d’origine) Rudolph Dirks ; créée en 1897, elle sera déclinée en France sous le nom de Pim, Pam, Poum.
 
C’est le monde de son enfance, celui d’une petite communauté villageoise protestante que décrit Busch à travers les farces des deux enfants. On peut même affirmer que Max et Moritz ont vraiment existé puisque c’est lui et un ancien petit camarade, Erich Bachmann, fils d’un meunier, que Busch représente à travers ces deux personnages.
 
Ce qui frappera sans doute les visiteurs du musée Ungerer les moins au fait des aventures de Max und Moritz , c’est la cruauté finale du récit. Certes, les deux enfants sont insupportables, voleurs, gourmands, et même méchants, mais le châtiment de leur septième et dernière aventure fait froid dans le dos : ils finissent broyés dans la meule d’un moulin après s’être cachés dans les sacs du meunier. Busch, autant poète que dessinateur, versifie le bruit des os broyés – un terrible “Rickeracke ! Rickeracke !” que des générations d’Allemands ont gardé en mémoire…
 
Cette fin atroce explique qu’en dépit de son formidable succès, Wilhelm Busch ne réalisera pas une suite à ce livre. Mais comme en témoigne l’exposition, il fut un auteur très prolifique. L’influence qu’il exerça, par son esprit facétieux comme par son graphisme enlevé, est évoquée à travers deux auteurs-illustrateurs : l’Allemand F.K. Waechter (1937-2005) et Tomi Ungerer dont le fameux Das Grosse Liederbuch s’inspire de cette Allemagne du milieu du XIXe siècle que Busch incarnait si bien.
 
On y découvre aussi un album de Tomi inédit en France, publié aux États-Unis en 1970 : That Pest Jonathan. Un concentré, en un seul garnement, de Max und Moritz , mais dont la fin se révèle moins cruelle que celle de ses illustres prédécesseurs. Un siècle plus tard, plus question dans l’édition pour la jeunesse de broyer les têtes à claques…
  
DNA: Serge Hartmann

Date de création : 2023.09.13 # 09:33
Catégorie : Musée Ungerer - 2015
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