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Dessins d'enfants

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Quand Tomi n’était pas encore Tomi
 
Précieusement conservés par sa mère, les dessins d’enfant de Tomi n’avaient jamais été exposés ni même vraiment étudiés. Une exposition est consacrée à ce fonds des Musées de Strasbourg qui éclaire l’imaginaire d’un petit garçon bientôt rattrapé par la guerre mais observait déjà le monde avec humour.
 
Elle fut sa première admiratrice. La première à être convaincue qu’il avait un don pour le dessin, une prédisposition à se saisir de la réalité et à la réinterpréter à sa façon. Tout au long de sa vie, Alice Ungerer, la mère de Tomi, a conservé les dessins de son cadet d’une fratrie de quatre enfants.
 
Et comme tous les garçons et les filles de son âge, Tomi a beaucoup dessiné. Et peut-être même davantage qu’eux. « Quand j’évoque avec lui son enfance, Tomi me dit toujours que le dessin était un refuge. Il n’avait pas vraiment de copains et c’est avec la boîte d’aquarelles de son père, offerte après sa mort par sa mère, que Tomi trouvait le moyen de s’évader », confie Thérèse Willer, conservatrice du musée Ungerer.
 
Un petit garçon sous influences : Hansi, Rabier, Busch, Walt Disney, Dubout…
 
mickey1.jpgDe quoi expliquer la profusion de dessins qui ont traversé le temps – certains d’entre eux ont plus de 80 ans ! « On se situe dans une fourchette de 500 à 600 pièces, dont une grande part avait été récupérée lors du décès de la mère de Tomi, une autre ayant fait l’objet d’une donation dans les années 2000 », poursuit Thérèse Willer.
 
Le fonds n’avait encore jamais fait l’objet d’aucune étude approfondie, d’aucune exposition non plus. Il y avait bien eu l’édition d’un livre consacré au regard d’enfant qu’avait porté Tomi sur la Seconde Guerre mondiale – A la guerre comme à la guerre , publié à La Nuée Bleue en 1991 et qui sera l’un des best-sellers de la maison d’édition strasbourgeoise. « Mais la guerre ne représente qu’une toute petite part de ce que nous avons conservé de l’enfance et de l’adolescence de Tomi », précise encore Thérèse Willer.
 
Ce travail d’inventaire ayant été réalisé, une exposition qui restitue les spécificités de ce fonds a donc été rendue possible. Réunissant quelque 300 dessins, elle vient d’ouvrir ses portes au musée Ungerer et s’accompagnera de la parution non pas d’un catalogue mais d’une véritable monographie consacrée à l’imaginaire graphique de Tomi enfant.
  
Les dessins les plus anciens ont été réalisés en 1935/1936, lorsque Tomi n’avait que quatre ou cinq ans. On ne cherchera pas à déceler les prémices d’un illustrateur de génie dans cette production originelle où le petit garçon s’amuse de Mickey dont il dévore les aventures dans un illustré qu’il partage avec un petit voisin, des cow-boys et des indiens, des chevaliers, des aventures d’explorateurs – grosse impression sur le petit garçon du film Stanley et Livingstone avec Spencer Tracy.
 
Comme tous les camarades de son âge, Tomi absorbe (et recopie)bateau1.jpg les images qui déferlent alors sur la jeunesse des années 30/40 : Hansi, Wilhelm Busch, Benjamin Rabier, Albert Dubout, Jean de Brunhoff, Walt Disney…
 
Mais, et c’est ce qui le distingue des autres enfants, Tomi a un exceptionnel sens de l’espace, de la composition, indépendamment de toute maîtrise graphique. « Il sait tirer parti de toute la surface de la page, mettre en place ses éléments, les faire entrer en résonance les uns avec les autres, et cela avec vivacité, avec humour… », souligne Thérèse Willer.
 
À la chronologie, elle a préféré privilégier les thèmes dans le parcours de l’exposition : la nature (le petit Tomi se rêve en garde-chasse et piétine d’impatience pour entrer chez les éclaireurs), les animaux, les moyens de transport, les métiers, le quotidien d’une famille soudée autour de la mère après le décès du père – Tomi n’avait que trois ans. Le garçon ouvre grands les yeux sur le monde qui l’entoure, détaille, confie au papier, par le crayon ou par l’aquarelle, le résultat de ses observations. Il rêve aussi beaucoup.
 
Dans la famille Ungerer, durant la guerre, on parle français.
 
dessin_12_ans1.jpgL’exposition documente également, à sa façon, la scolarité d’un petit Alsacien dans une région annexée par l’Allemagne nazie. Dans un cahier d’écolier, Tomi a dû réaliser un dessin célébrant Hitler à grand renfort de croix gammées. Un travail qui bien que déployé sur une page entière manquait néanmoins d’envergure à en croire l’appréciation de l’instituteur : « Zu kleine ».
 
La francophilie assumée de la mère de Tomi, son refus d’un régime qui sème mort et terreur en Europe, se manifeste dans des dessins qui lui auraient valu un aller-simple pour le camp de Schirmeck, destination des Alsaciens récalcitrants. Si l’usage du français est proscrit dans l’espace public, Alice Ungerer l’impose dans le foyer domestique. Ce qui lui vaudra une convocation par la police allemande, le petit Tomi ayant été dénoncé pour avoir parlé la langue de Molière.
 
L’exposition déborde au-delà de la stricte enfance de Tomi et pousse jusqu’en 1953 – il a alors 22 ans. « Il fallait bien s’arrêter à un moment. J’ai voulu, symboliquement, fixer l’année où Tomi est entré aux Arts déco de Strasbourg. On peut voir cela comme le début d’une trajectoire professionnelle », conclut Thérèse Willer.
 
On sait qu’il n’y fera pas long feu, son esprit indiscipliné s’accommodant mal d’un cadre scolaire trop contraignant. Déjà Tomi a la bougeotte et l’Amérique lui tend les bras. Mais cela, c’est une autre histoire…
 
DNA du 26 mars 2017.
SERGE HARTMANN

Date de création : 2023.09.13 # 09:59
Catégorie : Musée Ungerer - 2017
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